PAULINE

Janvier 2017

On m’a amputée du sein gauche le 17 janvier 2017

La veille de la mastectomie, j’ai vu les 2 chirurgiens: le Dr. L, sénologue, qui allait enlever la glande mammaire et le Dr. D, chirurgien esthétique, qui allait reconstruire le sein. Chacun a dessiné sur mon torse les lignes de découpe qu’il allait suivre le lendemain. Je ressemblais au jeu de mon enfance “Dr. Maboule”. J’ai tenté d’en rire avec Gilles, mais j’étais au bord de l’hystérie.

Dr Maboul

Le lendemain matin, ma maman est arrivée dans la chambre d’hôpital à 7h00. J’ai pleuré dans ses bras, comme une enfant. Fort. Le chirurgien esthétique est passé quelques minutes et m’a un peu rassurée.

Je suis partie pour la salle d’op à 8h00. J’étais tendue à l’extrême. Mais les gens qui préparaient la salle (infirmières, anesthésistes, chirurgiens, je ne saurais le dire, tout est trop confus) ont été formidables et leur gentillesse m’a aidée à ne pas craquer.

J’ai repris connaissance 10 heures plus tard en salle de réveil, congelée, perdue, nauséeuse. Quand je suis revenue dans ma chambre, Gilles et ma maman étaient là, fidèles au poste. Cette première nuit a été éprouvante. La douleur au niveau du sein était supportable, grâce à la présence d’un bloc paravertébral¹. Mais j’avais vraiment très mal au ventre, là ou le chirurgien avait prélevé la graisse pour la greffer dans le sein. La douleur m’empêchait de dormir et quand, exténuée, je m’assoupissais, ma respiration se faisait plus profonde, ce qui réveillait la douleur et moi avec.

Schéma_DIEP

Tôt le lendemain matin, un groupe de médecins assistants a débarqué dans ma chambre. Je pense qu’ils étaient 6 ou 7, plus l’infirmière en chef. J’étais tête nue, sans mon petit bonnet, avec mes 4 cheveux qui repoussaient, tailladée de partout, avec des drains dans le sein, une sonde urinaire, des cernes sous les yeux et blanche comme un linge, et une petite dizaine de personnes me regardaient comme une bête de cirque. Je comprends bien qu’il faut qu’ils apprennent leur métier, mais pas de cette façon. Pas au dépens de la dignité des patient(e)s.

Le deuxième jour, quand l’infirmière est venue changer les pansements, elle m’a demandé si j’étais prête à regarder les cicatrices. Je ne l’étais pas, mais je ne l’aurais pas été une semaine plus tard non plus, alors j’ai dit oui. Quand elle a enlevé les bandages au niveau du ventre, j’ai eu un hoquet de surprise: la plaie était énorme. Je me suis dit que ça ressemblait à une morsure de requin. Seule la peur de me faire mal en pleurant m’a empêchée de craquer.

Les jours qui ont suivi se confondent un peu tous dans ma mémoire. J’ai cependant un souvenir assez net du Dr. L, le sénologue, lors de sa visite post-opératoire. Il a regardé les cicatrices et m’a dit, très fier de lui: “on a fait du beau travail!”. Alors oui, effectivement, je pense qu’ils ont bien travaillé. La tâche n’était pas simple et ils sont arrivés au meilleur résultat possible. De là à me dire “on a fait du beau travail” alors que je me sens mutilée, clouée au lit par la douleur, avec l’affreuse impression d’être la créature du Dr. Frankenstein, c’est aller un peu loin.

Etant donné que le chirurgien avait retiré une partie de la peau et de la graisse du ventre j’étais “plus courte devant que derrière”. Impossible donc de me redresser complètement ou de m’allonger sur une surface plate. Après quelques jours, j’ai pu me lever et faire quelques pas dans le couloir. Je me souviens avoir croisé une dame ayant subi la même opération le même jour que moi. Nous marchions toutes les deux courbées comme des petites vieilles pour éviter de tirer sur les cicatrices.  

Je suis rentrée à la maison après une semaine d’hospitalisation. Ma belle-mère nous avait prêté un lit à sommier électrique car je ne pouvais toujours pas me coucher à plat sur le dos. Nous l’avions installé dans le salon afin que je ne doive pas monter les escaliers.

Les douleurs ont persisté plusieurs semaines, mais chaque jour était meilleur que le précédent. J’ai eu beaucoup de visites et de messages de soutien. Ça n’a l’air de rien, mais une simple “coucou ma belle, comment ça va aujourd’hui?” apporte énormément de réconfort. Toutes ces petites attentions m’ont vraiment aidée à tenir le coup.

 

¹ Bloc paravertébral: cathéter placé à proximité de la colonne, près de la racine des nerfs thoraciques et permettant d’injecter des antidouleurs de façon plus ciblée

 

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